Profils d'immigrants québécois

Les immigrants formaient 13,7 % de la population québécoise en 2016 , lors du recensement (les données du recensement de 2021 seront publiées en octobre 2022 ). Il y a eu depuis une augmentation de 4,1% de la population totale au Québec . En 2019, 11,9%  des immigrants canadiens se sont établis au Québec, faisant du Québec la 4e province canadienne à accueillir le plus d’immigrants derrière l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta . Encore en 2019, 32,7 % des enfants nés au Québec avaient au moins un parent né à l’extérieur du Canada . En 2021, Gatineau est devenu une des premières villes francophones et en Amérique à être reconnue par Cités interculturelles du Conseil de l’Europe  en recevant sa certification pour ses politiques sur l’immigration. Si l'on se fit à notre école seulement, il y a 1513 élèves à l’école, dont 752 sont nés au Québec. Soit 49% des élèves sont nés au Québec et 51% des élèves sont nés hors-Québec, concrétisant la diversité présente parmi le corps étudiant de De L’Île.

En vue de la semaine multiculturelle, j’ai voulu en savoir plus sur l’expérience de personnes immigrantes de l’école. M.Hermann et Aeesha, une élève du PEI m’ont accordé quelques minutes de leur temps pour me parler de leur expérience personnelle en tant qu’immigrants au Québec. Voici de courts portraits d’introduction suivi des réponses aux questions que je leur ai posées. 

M. Hermann est arrivé au Canada le 27 septembre 2007 du Cameroun, en Afrique. Il parlait très peu français, « ou du moins, quand je parlais français, on ne m’entendait pas » dit-il. Il est un des 7 enfants de sa famille. Après avoir fait deux ans de primaire, il est devenu élève à l’École Secondaire de l'Île. Ayant des difficultés académiques, il a intégré un programme spécial qui n’existe plus à l’école aujourd'hui, le profil 3 ans. Il consiste à faire son secondaire 1 et 2 en 3 ans au lieu de deux. Les élèves avaient accès à des enseignants ressources et à leur enseignant/e principal/e pour mieux palier à leurs difficultés. « Ce programme-là, je dois dire, ça m’a quand même beaucoup aidé. La preuve, regarde-moi aujourd’hui *ris* je vais devenir prof moi aussi. » Ses 4 premières années au secondaire (soit ses 3 premières années dans le programme profil 3 ans et son secondaire 3) ont été très difficiles, dit-il. « Je travaillais beaucoup, j’étais quelqu’un de très travaillant, parce que j’avais beaucoup de difficultés. Parce qu’avant d’arriver au Canada j’étais paysan, je travaillais la terre. » C’est à partir du secondaire 3 que ses efforts ont commencés à porter fruit. Il raconte avoir eu un déblocage et que la matière semblait « moins compliquée à acquérir ». Il n’a pas arrêté de travailler fort pour autant, car pour aller en math fortes des moyennes de 75% ou plus en mathématiques et science étaient requises. M. Hermann dit que ses années les plus faciles ont étonnamment été le secondaire 4 et 5, « on dirait que j’avais tellement travaillé au début qu’à la toute fin c’est devenu beaucoup plus simple ». Il est présentement étudiant à l’université en enseignement des mathématiques, carrière qu’il veut poursuivre depuis son secondaire 3, et il remplace aussi à l’École Secondaire de l’Île. Élèves et employés, vous l’avez probablement déjà croisé dans les corridors, consciemment ou non. Ceux qui l’ont déjà eu comme professeur ou qui l’ont présentement comme remplaçant, ne manquent pas de le saluer lorsqu’ils le voient. 

Aeesha, élève de secondaire 2 au PEI, est déménagée des Philippines pour venir au Canada en 2019. Elle ne parlait pas français non plus. Ainsi, elle a intégré la classe d’accueil de l’École Secondaire de l’Île pour le début de son secondaire 1, puis a été acceptée au programme d’éducation intermédiaire (PEI) pour compléter son année. C’est la fondatrice de l’espace multiculturel de l’école, qui est le comité qui a partiellement organisé la semaine multiculturelle !


Comment le Québec bénéficie-t-il de ses immigrants ? 

M. Hermann : « L’un des bénéfices pour le Québec est que ça apporte des gens de partout ailleurs et la deuxième chose, au Québec on a besoin de travailleurs aussi donc ça aide. La plupart des immigrants qui viennent ici viennent parce qu’ils ont besoin d’une situation beaucoup plus stable pour pouvoir gagner leur pain de tous les jours. Ça aide à l’emploi et à la diversité multiculturelle aussi. »

Aeesha : « C’est de la main-d'œuvre pour la province, plus de travailleurs. »

Comment avez-vous trouvé votre accueil au Québec ?

M.Hermann : « [...] Niveau accueil je trouve... au primaire en tout cas, les gens au primaire étaient très accueillants avec moi mais surtout mon prof du primaire je m’en rappelle toujours, monsieur Laurent. C’était quand même un accueil assez chaleureux, ils m’ont aidé à m’intégrer. C’est la même chose au secondaire aussi, sauf que je trouve qu’on avait plus de ressources contrairement à aujourd’hui, mais c’était quand même très bien au niveau de l’école. Il y avait aussi d’autres élèves immigrants donc j’ai pu facilement m’intégrer. Pas pour le froid par contre, pour l’hiver il n’y a personne qui peut s’intégrer à ça. Même pas les québécois *rires*. »

Aeesha : « C’était plutôt agréable, les gens étaient très compréhensifs et ils m’ont vraiment bien accueilli. J’ai personnellement eu un très bon accueil, parce qu’il y avait plusieurs ressources mises à ma disposition, puisque je ne parlais pas français et c’est comme ça pour la plupart des gens. Il y a les classes d’accueil, des cours de français gratuits offerts par certaines organisations et il y a aussi plusieurs organisations, comme AFIO (Acompagnement des Femmes Immigrantes de l’Outaouais) qui ont pour but de fournir de l’aide aux immigrants. Je pense que mon accueil a été encore meilleur dû au fait que le Québec est très multiculturel, ou du moins où nous vivons ça l’est. Je connais beaucoup de gens qui sont, eux aussi, des immigrants ou qui sont descendants d’immigrants alors ils étaient capables de me comprendre et de m’aider. »

Est-ce que vous vous sentez Québécois/e ?

M. Hermann : « Bien sûr que oui, je vais mourir ici. »

Aeesha : « Non. »

Pourquoi ne vous sentez-vous pas Québécoise ?

Aeesha : « Je pense que c’est partiellement parce que mon choc culturel est encore présent. Il y a aussi beaucoup de choses par rapport au Québec que je n’arrive pas à comprendre et que je pense je ne comprendrai jamais puisque j’ai grandi entourée d’une culture complétement différente. »

Qu’est-ce qui vous a aidé à vous adapter ou à adopter le Québec ?

M.Hermann : « La première chose, je le dis toujours, l’éducation. Ici, l’éducation est, je ne dirais pas qu’elle est valorisée mais, elle est accessible. Tout le monde y a accès. On va prendre l’exemple du Cameroun, si j’étais resté au Cameroun en ce moment-ci je serais sûrement un voleur. [...] J’aurais sûrement, je ne dirais pas que je n’aurais pas d’avenir mais je n’aurais pas d’éducation. Ici, l’éducation est accessible et ici ça c’est quelque chose que je trouve génial : on a des récupérations ! Au Cameroun, pour pouvoir avoir une certaine aide, il faut que tu paies pour cette aide-là. En Afrique, tu dois payer pour tout. Ici, l’éducation c’est vraiment accessible et je pense que c’est la première chose qui m’a vraiment accroché. [...] Ça m’a vraiment aidé à m’attacher au Québec. Ici, je dirais, on a des opportunités pour tout. Si tu es quelqu’un de travaillant, tu ne risques pas de vivre dans la misère, contrairement au Cameroun. »

Qu’est-ce que le Québec pourrait faire de plus pour ses immigrants ?

M. Hermann : « Je dirais, plus au niveau de l’école obligatoire en français. Tous les nouveaux immigrants qui arrivent au Québec doivent étudier le français et des fois ça retarde énormément certains élèves. J’ai des amis (aussi immigrants) qui viennent de l’Afrique [...], ceux qui parlaient anglais en arrivant, s’ils vivent au Québec, ils sont obligés de faire l’éducation en français, le Québec les oblige, ça ne devrait pas être ça. Juste, donner le choix à ces gens-là d’étudier dans la langue qu’ils veulent. Je comprends que c’est dans le but de préserver la culture française, sauf qu’une personne qui parle déjà anglais ça serait beaucoup plus simple d’étudier en anglais que « on va le mettre dans une classe d’accueil », ensuite on le retarde dans son processus. »

Aeesha : « Je pense que c’est plus mes parents qui ont à gérer tous ces problèmes, mais je pense qu’ils pourraient offrir plus d’opportunités que celles qu’ils offrent déjà. Par exemple, je pense que ce serait génial s’ils offraient plus de ressources dans le domaine de la santé, parce que ça prend tellement de temps, c’est tellement lent. Cela fait quelques années que nous vivons ici et nous n’avons pas encore de médecin de famille, et je sais que ce n’est pas seulement les immigrants, il y a beaucoup de gens avec ce problème mais je pense que ce serait bien s’ils prenaient cela en considération. »

 

Le mot de la fin d’Aeesha :

« En tant qu’immigrante au Québec, c’est sûr qu’ici l’anglais n’est pas la langue maternelle des gens n’est-ce pas ? Le français l’est (leur langue maternelle). Or, je ne parlais pas français quand je suis arrivée et j’ai encore du mal à le parler. J’ai vraiment eu de la difficulté à surmonter mes insécurités liées à parler français quand je suis arrivée. J’étais terrifiée de parler français à un francophone, parce que j’avais vraiment peur qu’on me juge à cause de mon accent. Je croyais sincèrement que mon français devait être parfait si je voulais que les gens me traitent mieux. J’ai encore peur de ça, parfois. Qu’on me traite horriblement si je fais une erreur de grammaire ou si ma prononciation n’est pas exemplaire. Je cherche souvent mes mots, et j’imagine que mon accent le révèle aussi, mais je peux voir leur expression changer et... parfois ils ont de bonnes intentions, mais d’autres fois on dirait juste qu’ils te considèrent inférieure ou qu’ils te veulent hors de leur vue donc, c’est ça. »

 

L’école secondaire De L’Île est une école très diversifiée, ça se voit en regardant les élèves et même les membres du personnel. J’espère que cet article permettra de démarrer d’importantes conversations, et que vous trouverez tous vos propres réponses aux questions comme « Comment est-ce que le Québec bénéficie de ses immigrants ? » parce que tout le monde compte, peu importe son origine. En fait, la diversité mène à l’innovation. Donc, innovons !

Luz Germain-Lumagbas

 

* Veuillez noter que les expériences relatées et les opinions exprimées lors de ces entrevues pourraient ne pas être représentatives de celles de tous les immigrants québécois ni de l’école.


[1] http://www.mifi.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Pub_Immigration_et_demo_2019.pdf (Page 8)

[2] https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/ref/prodserv/release-diffusion-fra.cfm#topic

[3] https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=9810000101

[4] http://www.mifi.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/FICHE_syn_an2019.pdf (Page 4)

[5] http://www.mifi.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Pub_Immigration_et_demo_2019.pdf (Page 16)

[6] http://www.mifi.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Pub_Immigration_et_demo_2019.pdf (Page 17)

[7]https://www.gatineau.ca/portail/default.aspx?p=guichet_municipal/immigration_diversite_culturelle&requete=immigration&ref=haut-de-page

 

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